Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 819 .

dehors de lui, on ne rencontre rien. « Il n’y a plus de tiers état en France; le nom et la chose ont disparu dans le renouvellement social de 1789. » Ainsi débutait, il.y a vingt ans, l’historien du tiers état, et il serait bien surprenant que vingt années d'exercice du suffrage universel, même faussé à certains jours, égaré à certains autres, quelquefois judicieux, toujours souverain, aient modifié cet état de choses. Sous ce rapport, on peut dire que la situation n’a pas changé depuis que M. Augustin Thierry a écrit son Essai sur Fhisioire du troisième ordre. Non, il n’y a plus de tiers état, et cela par la raison toute simple que le tiers état est devenu tout le monde, et qu’en dehors de lui il n’y a personne. Cest dans le passé que désormais il nous faut chercher sa trace, suivre ses progrès, éludier son importance.

« À prendre l’histoire de France dans son ensemble et à travers toutes ses phases, dit M. Guizot‘, le tiers état a êté l'élément le plus actif et le plus décisif de la civilisation française. Si on le suit dans ses relations avec le gouvernement général du pays, on le voit d’abord allié pendant six siècles à la royauté, luttant sans relâche contre l'aristocratie féodale, et faisant prévaloir à sà place un pouvoir central et unique, la monarchie pure, très-voisine, quoique avec des réserves souvent répétées quoique assez vaines, de la monarchie absolue. Mais, dès qu’il a remporté cette victoire et accompli cette révolution, le Liers état en poursuit une nouvelle ; il s'attaque à ce pouvoir unique qu’il a tant contribué à fonder et il entreprend de changer la monarchie pure en monarchie constitutionnelle. Sous quelque aspect qu’on le considère dans ces deux grandes entreprises si diverses, soit qu’on étudie la formation progressive de la société française elle-même ou celle de son gouvernement, le tiers état est la plus puissante et la plus persévérante des forces qui ont présidé à notre civilisation. Ce fait est unique dans l’histoire du monde... Non-seulement ce fait est nouveau, mais il a pour la France un intérêt tout particulier ; car, pour me servir d’une expression dont on abuse de nos jours, c’est un fait éminemment français, éminemment national. Nulle part, la bourgeoisie n’a eu une destinée aussi vaste, aussi féconde que celle qui lui est échue en France. »

M. Guizot ajoute : « Qu'on les appelle ou qu’on ne les appelle pas des classes, la nouvelle société française contient et ne cessera pas de contenir des situations sociales profondément diverses et inégales. Ce qui fait son bonheur et sa gloire, c’est que le privilège et l'immobilité ne s'attachent plus à cette diversité des conditions ; c'est.qu’il n'ya, parminous, plus de droits et d'avantages spéciaux légalement

1 L'Histoire de France racontée à mes petits-enfants.