Les états généraux en France
LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 885
au contraire, que la France et, par conséquent Paris lui-même, se soient mal trouvés de cet éloignement.
Qu'ils siégent à Chartres, à Sens, à Tours, à Blois, à Orléans ou
-ailleurs, les États Généraux poursuivent leur œuvre. C'est à eux qu’on doit les réformes de Charles V, de celui que l’histoire appelle Charles le Sage, car celui-ci, en montant sur le trône, s'inspire de tout ce qu'ont fait et décidé les États pendant la captivité de son père. Ce n’est pas lui qui prendra la responsabilité d’une déclaration de guerre aux Anglais, et qui, de son autorité privée, lancera la France dans les hasards d’une lutte formidable. Après avoir fait exposer par son chancelier, Jean de Dormans, la vraie situation du royaume, le roi lui-même se lève pour, en, présence des députés de la nation, dire à tous que « si ils voyoient qu’il eust fait chose qu'il ne dust, qu'ils le dissent. » Et, rendant, par ces mots, hommage à l'autorité des États, ce roi vraiment sage et trop peu imité, même ‘de nos jours, ajoute que, dans ce cas, « il corrigerait ce qu’il avait fait, car il était encore temps de réparer, s’il avait fait trop ou trop peu.» — De grands malheurs devaient bientôt fondre sur la France; maïs la royauté ne s'était pas seulement mise à couvert ; elle avait, au début, sauvé les vrais principes, en associant les représentants de la nation à la responsabilité d’une guerre dont on prévoyait la durée. — L’historien'des États Généraux a pu dire, en parlant de Charles V : « Ce prince a été l'expression de son temps et il a eu le courage d'en être le modérateur ; la réaction aurait pu être sanglante ; grâce à sa fermeté, elle a reçu l’empreinte de la sagesse du roi... L’honneur de ce prince est d’avoir senti, en s'inspirant des vœux du passé, quelles étaient, au quatorzième siècle, les conditions d’un gouvernement honnête et d’un État bien réglé. »
Quel contraste entre ce jugement et celui qu’à propos du règne suivant, de celui de Charles VI, l’un des plus tristes de notre histoire, Sully, porte en disant que ce règne fut chez nous « le tombeau des bonnes lois et des bonnes mœurs. » C’est qu’en effet, sous Charles VI, les mœurs manquant, on ne parvient pas à donner des lois aux Français. Bien qu'inspirée par un. esprit honnête ; bien qu’elle contienne en germe des réformes que l'avenir sanctionnéra, la grande ordonnance de 1413 ne prend point racine sur notre sol. Elle disparaît dans la tourmente populaire qui en accompagne la publication, et il nous faut arriver à Charles VIT, pour retrouver trace de l'influence des. États. C’est de là que datent les premières tentatives faites par les députés pour établir une armée régulière et un impôt permanent. À cette double réforme une ordonnance royale pourvoit; mais on abuse de tout, même des meilleures choses : la trop grande fréquence des assemblées d'États à cette