Les états généraux en France
390 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE.
lente, révolutionnaire, qui a pour dernière expression le communisme: et pour dernière conséquence la ruine générale. « On peut, dit M. Passy, improviser la misère; on ne peut improviser la richesse. Et que serait-ce, en vérité, que ce nivellement universel, sinon la réalisation en grand de cette définition en action que donnait un jour un ouvrier à un de ses camarades. On venait de discuter la question du partage universel... « Et toi, dit un des discuteurs à son camarade, tu n'as rien dit. Qu'est-ce que {u penses de cela? — Passe-moi ta blouse, » répondit simplement le camarade interpellé. — Et lorsque l’autre, sans défiance, lui eut passé sa blouse, en deux ou trois tours de main, il la déchira en vingt morceaux ; puis, distribuant ces morceaux à là ronde : « Voilà, dit-il, mon opinion. » D'un objet appartenant à quelqu'un et pouvant être utile à quélqu’un, faire un tas de débris qui ne sont bons à rien et ne peuvent servir à personne, c’ést à cela que se réduit la doctrine de ceux qui rêvent encore de promener parmi nous le niveau égalitaire, après qu’il a passé partout. Nous avons tant de mal à nous entendre en politique, qu'il faudrait au moins nous mettre d’accord sur un point : il faut reconnaitre qu’én France l'égalité règne et que désormais personne ne nous la ravira.
En fait de liberté, où en sommes-nous? On dit une banalité, un véritable lieu commun, lorsqu'on s’attarde aujourd’hui à démontrer que, réussie en tant qu’égalité, la Révolution française a, au point de vue de la liberté, laissé beaucoup à faire. Sauf omissions et lacunes, la liberté nous appartient, il est vrai, dans ce qu’on peut appeler l’ordre civil. La liberté religieuse n’est pas encore établie dans toutes ses conditions et détails: maison peut dire qu’elle est appréciée par ceux-là mêmes qui, dans les divers camps, la combattent encore, et que, victorieuse elle aussi, elle défie, même à travers les atteintes qu’on lui porte, les coups de ses impuissants adversaires. Mais quelle est notre fortune en ce qui regarde la liberté politique, le self government proprement dit? Dans cette voie, avons-nous vraiment progressé; et, quand nous marchons, est-ce autrement que par soubresauts? Chacun de nos pas en avant n'a-t-il pas été suivi d'un recul? Et ce recul ne tient-il pas à deux causes, dont l’une est que, sur ce terrain, nos progrès sont presque toujours des emportements ; dont l’autre est que chaque parti s’attache à vouloir faire à lui tout seul, pour son profit et pour sa gloire, l’œuvre qui ne peut réussir que si nous la poursuivons ensemble ; que si tout ce qu’il y a en France de conservateurs et de libéraux se ligue pour combattre tout ce qui n’est ni libéral ni conservateur ?
Tout le monde veut sa liberté ; rares sont les hommes qui veulent celle d'autrui. Mais admettons que, parmi ceux qui travaillent à