Les serviteurs de la démocratie

BEAUMARCHAIS 61

de gens, dont quelques-uns n'étaient pas très délicats, eut maillé à partir avec la justice; il fit ce que tout le monde faisait alors, afin de se rendre favorable un de ses juges, il lui offrit des bijoux pour sa femme et de l’argent pour lui. Offrit-il trop peu ? Son adversaire fut-il plus généreux que lui ? On l’ignore. Toujours est-il qu’il perdit son procès. Furieux, il réclama ce qu'il avait donné. On lui rendit les bijoux, mais on garda l'argent, c’est-à-dire quinze louis. Pour cette bagatelle, Beaumarchais n’hésita point à entamer une action en revendication contre son juge appelé Goësman. Cette affaire ridicule au début prit sous la plume de Beaumarchais, qui écrivit plusieurs mémoires, les proportions d'un événement européen; il faut dire aussi que le brillant polémiste se montra étourdissant de brio et de gaieté; il saisit l’occasion qui lui était donnée d’attaquer la vénalité des juges de ce temps-là. La ville et la cour applaudirent à la vivacité étincelante de ces attaques. Voltaire s'écria: « Je n'ai jamais rien lu d’aussi amusant que les Mémoires de Beaumarchais. »

Goësman le juge, mis ainsi en scène, riposta par des contre-mémoires et accusa Beaumarchais de tentative de corruption. À cette réplique, celui-ci opposa une duplique qui maintint les rieurs de son côté.

Le parlement évoqua l'affaire et rendit un arrêt qui condamnait à titre égal les deux parties. Le lendemain, tout ce que Paris comptait d'intelligent alla se faire inscrire chez Beaumarchais.