Lettres inédites de Frédéric Gentz à sir Francis d'Ivernois (1798-1803)

dans le même sens que les autres impôts directs le sont, Si la dime était un impôt, les rentes territoriales, les cens, enfin tout ce que le possesseur direct d’une terre payait à un autre individu quelconque en quote-part réglée, l'était donc aussi, ce que personne n’osera soutenir. La dime est selon moi une co-propriété dont les membres du clergé jouissent en société avec le seigneur et avec le cultivateur de la terre; si celui-ci a gagné par l’abolition de la dîme (de quoi je doute très fort), il a gagné de la même manière qu’il peut l'avoir fait par tous les autres vols qui ont transféré une partie de la propriété des anciens possesseurs à ceux qui les ont remplacés. La dime payait même sous l’ancien régime ses contributions au Gouvernement ; car les « dons gratuits » du clerge, qui (selon Necker lui-même) ne s’éloignaient que pour peu de chose de ce qui aurait été la contribution proportionnelle du clergé, se puisaient dans les fonds fournis en grande partie par la dîme : ainsi celle-ci, loin d’être elle-même un impôt, était — comme toutes les autres parties du revenu territorial — une source d'impôts, ou de contributions directes, levées par le Gouvernement. Voilà la manière dont j'envisage cet objet; et je vous avoue que ce que vous avez dit pour m'en détourner ne m'a pas convaincu. Au reste, si même toute la partie des calculs était fausse dans mon mémoire (ce qu'après vos observations sévères, mais justes, je ne suis pas fort éloigné d’accorder), je me flatterais toujours que ce que j'ai dit sur l'impossibilité où est la France de trouver des ressources extraordinaires, n’en serait pas moins solide et convaincant. Ce n’est pas à vous que J'apprendrai la moindre chose par mes raisonnements ; aussi vous pouvez être sûr que Je n’aurais pas composé ce mémoire si je n'avais compté que sur des lecteurs de votre force ; mais ceux pour lesquels je lai proprement fait (les ministres de ce pays-ci) doivent être frappés des résultats que je leur présentais; et, si les autres qui m'ont fait l'honneur de me lire ont trouvé par-ci, par-là, une nouvelle tournure qui les engageât à méditer un moment une vérité ancienne pour eux, c’est tout