Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

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fait pour y vivre, tout au plus les tigres, les ours et les caïmans.

» On nous dit que Caracas, qui est à trente-six lieues d'ici, est une belle ville, qu'il y a de la société, de jolies femmes qui n’ont de noir que les yeux. Je compte y aller voir dans quelques jours...

» Si la guerre dure, je suis décidé à ne pas quitter. Si elle finit, il le faudra bien, mais je compte, même alors, rester attaché au service de la France.

» Peut-être même pourrai-je y rester comme colonel propriétaire d’uny régiment, mais n’en parlez pas encore de cela à personne. Je suis fort content d’ailleurs ; tout le monde me traite bien, les uns par politique, les autres par affection. Il ne me manque, pour être heureux, que de pouvoir vous embrasser.

» Je pars demain avec Deux-Ponts et Dubourg pour Caracas. Nous serons absents pendant quinze jours. A mon retour j'apprendrai peut-être que la paix est signée. » |

Rester au service de la France, voilà maintenant son ambition, être nommé colonel propriétaire de son régiment le Royal Suédois, stationné à Valenciennes, d’où il pourra facilement aller à Paris sans trop éveiller l’attention.

Se sentait-il à ce point sûr de lui-même ou bien croyait-il être oublié et devenu indifférent? En tout cas il cacherait le sentiment qu'il avait gardé dans son cœur plus profondément que jamais.