Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

324 MARIE-ANTOINETTE

« Ma tendre et bonne Sophie,

» Ah! plaignez-moi, plaignez-moi. L'état où je suis ne se peut concevoir que par vous. J'ai donc tout perdu dans le monde. Vous seule me restez. Ah! ne m’abandonnez pas. Celle qui faisait mon bonheur, celle pour laquelle je vivais, oui, ma tendre Sophie, car je n'ai jamais cessé de l'aimer,nonje ne le pouvais, jamais un instant je n’ai cessé de l’aimer ettoul du tout je lui aurais sacrifié; je le sens bien en ce moment. Celle que j'aimais tant, pour qui j'aurais donné mille vies, n’est plus! Ah, mon Dieu; pourquoi m'accabler ainsi, par quoi ai-je mérilé la colère? Elle ne vit plus! Ma douleur est à son comble, et je ne sais comment je puis vivre et supporter ma douleur. Elle est telle que rien ne pourra jamais l'effacer. J'aurai toujours présente devant moi, en moi, son image; le souvenir de tout ce qu'elle fut pour la pleurer toujours.

» Tout est fini pour moi. Que ne suis-je mort à ses côtés ; que n’ai-je pu verser mon sang pour elle, pour eux! Je n'aurais pas à trainer une existence qui sera une douleur perpétuelle et un éternel regret. Mon cœur désormais saignera autant qu'il battra. Vous seule pouvez sentir ce que je souffre et j'ai besoin de votre tendresse. Pleurez avec moi, ma tendre Sophie. Pleurons sur eux!

» Je n'ai pas la force d'écrire davantage. Je viens