Mémoire sur la Bastille

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noroit, pour le déterminer à une rigueur que la vérité n’auroit certainement pas motivée, lui a-t-on persuadé que cette barrière ne devoit pas l’arrêter? Je n’en sais rien.

Ce que je sais, c’est qu'avec ma sauvegarde et mon innocence, sous un règne équitable et doux, j’ai été traité, pendant deux ans, non pas comme un accusé prévenu de quelque délit (car à un tel homme on lui fait son procès, on l’instruit du grief qui en est le motif, on lui permet de se défendre), mais comme un coupable convaincu de tous les crimes de lèse-majesté possibles. Or, la parole des ministres de France et la pureté de ma conduite ne m’ayant pas garanti pour le passé, quand leur vindicative infidélité manquoit même de prétexte, que devois-je espérer pour l’avenir, en restant dans le voisinage de la France, après avoir, par une démarche légitime, nécessaire, mais contraire à leurs volontés, fourni d’après les règles de leur implacable despotisme un prétexte apparent pour une nouvelle oppression? Je ne pouvois pas me flatter d’être plus irrépréhensible : devois-je m’attendre qu’ils deviendroient plus timorés ?

Dans les circonstances où je me trouvois, le choix de ma retraite étoit-il libre? Ai-je pu, ai-je dû balancer entre la Bastille et l'Angleterre? Après avoir quitté sans honte, avec gloire peut-