Mémoires sur la Révolution française

ÉVASION DU MARQUIS DE CHAMPCENETZ 79

blement d'une fièvre nerveuse, craignant à tout moment une de ces visites, imagina de l’envelopper d'une couverture et de le déposer dans un endroit fort sale,

d’où elle ne pouvait le tirer que quand les rues et les

une cachette. Les toits, les greniers, les égouts, les cheminées, tout est égal à la peur, qui ne calcule aucun risque.

Celui-ci, blotti derrière un lambris recloué sur lui, semble identifié à la muraille, est presque privé de la-respiration et de la vie; celui-là, étendu dans un bouge, sur une poutre large et solide, se couvre de toute la poussière du lieu qui le recèle; un autre étouffe de crainte et de chaleur entre deux matelas; un autre, pelotonné dans un tonneau, perd le sentiment de l'existence par la tension de ses nerfs: la peur est plus forte que la douleur. Les femmes se surpassent en cette occasion : ce sont des femmes intrépides qui ont caché la plupart des hommes.

1 était une heure du matin lorsque les visites domiciliaires commencèrent, Des patrouilles de soixante hommes à piques étaient dans chaque rue. Le mouvement nocturne de tant d'hommes armés, les coups réitérés qu’on frappait pour faire ouvrir les portes, le bruit que faisaient celles qu’il fallait enfoncer, les plaintes et les cris de ceux qu’on entraînait aux sections et les jurements de ceux qui les y menaïent, l’orgie continuelle qui eut lieu, toute la nuit, dans les cabarets et chez les épiciers, formaient un tableau qui ne sortira jamais de ma mémoire. (Pelticr, Révolution du 10 août 1792.)

(Note de lédileur anglais.)