Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
= MO —
A
ce que j'ai essayé dans ces mémoires, qui sont comme autant de voyages tentés, en différents sens, dans ce monde philophique du xvm® siècle, afin d'en mieux reconnaître pour l'instruction de chacun les doctrines déchues si l'on veut, mais fort capables cependant , de se relever et de reprendre encore leur trompeuse faveur; c'est ce que j'ai essayé en dernier lieu, avec Naigeon et les autres, n’ignorant pas le peu de goût que je pourrais inspirer pour de si médiocres auteurs et de si pauvres et parfois de si odieuses pensées ; mais bien persuadé que même un si triste sujet pouvait être fécond en utiles enseignements.
Enfin une dernière, mais plus particulière et plus personnelle raison que j'ai eu de revenir et d’insister , comme je l'ai fait, sur une école qui, après la célébrité qu’elle a eue, et la variété des études dont elle a été l'objet, semblait ne pas beaucoup prêter à des recherches nouvelles, c'est qu'elle satisfaisait réellement, selon moi, à une des conditions les plus essentielles de l'histoire de la philosophie, je veux dire, le développement de la philosophie elle-même. ’
S'ilest vrai, en effet, que l’histoire de la philosophie ne soit faite et instituée que pour la philosophie, s’il ne faut s’enquérir de ce que les autres ont pensé, qu’afin, avec leur concours, de penser par soi-même, si l’érudition ne doit être qu'un moyen de spéculation, trouvant de quoi spéculer, penser, philosopher avec chacnn des représentants de l’école dont je parle, je n’ai pas craint de m’engager dans un long commerce avec eux, quoique avec tous, la compagnie ne fût pas toujours des plus exquises. Mais il n’en est aucun qui ne m'ait fourni l’occasion et la matière de quelques graves ré-