Michelet et l'histoire de la Révolution française
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20 MICHELET. — HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
comme liés indissolublement les uns aux autres, comme contenant en eux-mêmes leur raison d’être, el devant être expliqués par leur place même dans la trame de l’histoire. Mais, à cetle conceplion générale, Toequeville à encore ajouté quelque chose qui lui est propre. Î a pensé que pour bien comprendre la Révolution, il faut commencer par laisser de côté le drame révolutionnaire, les événements (tragiques qui en sont les saisissants décors, les personnages qui en sont les coryphées, pour dégager en lui-même le mécanisme de l’évolution des institutions et des faits. IL faut donc mettre d’abord de côté les récits partiaux et passionnés laissés par les acteurs du drame,pour éludier les actes législatifs ou administratifs, les documents d'archives. C'est par cette méthode qu'on arrivera à déterminer de quelle manière et dans quelle mesure la Révolution trouve son explication dans lhistoire et les institutions de l'Ancien Régime.
L'étude de l'Ancien Régime et de la Révolution, entreprise par Tocqueville dans cet esprit, l’a amené à une série de résultats importants.
Il a montré que la monarchie de l'Ancien Régime avait préparé la Révolution, non seulement par ses abus, mais en détruisant, au profit du pouvoir central, toutes les institutions et tous les organismes sociaux qui avaient fait la vitalité de l’ancienne France I a montré, en outre, que les idées qui ont inspiré les révolutionnaires n'étaient pas seulernent les théories élaborées par la philosophie du xvure siècle, mais aussi l’expression des aspiralions séculaires de la nation. Peyrat a eu le tort, dans son article, de ne pas remarquer ce que cette vue avait de profond et de neuf.
Il faut toutefois reconnaitre que Quinet. dans son article de la Æ2evue des Deux-Mondes sur la Philosophie de l'Histoire de France, avait indiqué, quoique avec moins de précision que Tocqueville, les deux idées que je relève ici, sur l’œuvre de l'Ancien Régime et son PhIoS à la France du moyen âge.
Tocqueville a montré enfin que la Révolution, après avoir détruit la monarchie de l'Ancien Régime, a beaucoup moins innové qu’elle ne croyait, qu’elle a surtout précipité et achevé la transformation commencée par l'Ancien Régime, accompli certaines réformes qu'il avait conçues, mais aussi conservé ses traditions de gouvernement,même dans ce qu’elles avaient de plus mauvais. Ceci aussi élait une vue nouvelle que Peyrat n'a pas relevée. Tocqueville insiste en particulier sur ce fait que la centralisation établie par la Révolution et Napoléon avec l'organisation des départements, a été la suite du système des intendants, et que la France révolutionnaire, comme la France de l'Ancien Régime, a sacrifié la liberté à l'égalité. L'idée fondamentale de Tocqueville : la solidarité dans les faits comme dans les idées entre l’ancien régime et le nouveau, l'idée que la Révolution n’est pas la naissance He et comme miraculeuse d'un ordre de chose tout nouveau, radicalement différent de l'ancien, mais seulement une crise violente au milieu d’une évolulion cominencée depuis longtemps et qui continue encore, cette idée peut êlre considérée comme une acquisition définitive pour l’histoire, et qui trouve son application bien ailleurs que dans l’histoire révolutionnaire, C’est une vue de philosophie de l'histoire, Elle permet d'étudier la Révolution avec plus de sérénité et plus d'équité.
Peu de temps après l'apparition de l'ouvrage de Tocqueville, paraissait en 1865 un ouvrage qui occupe une place tout à fait à part au milieu des