Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux
NAPOLÉON. 9
L'HOMME. Il est content.
LE PASSANT. Et il se voittranquillement arracher la liberté ?
L'HOMME. Voyez-vous, citoyen, la liberté, c’est le pain à deux sous la livre. Y a de l'ouvrage, et on paie en argent. Vive la liberté et l’empereur Napoléon ! Je ne connais que ça.
LE PASSANT. Les misérables! pas un mot -pour leur souverain légitime.
LE MARCHAND. Achetez, achetez, etc.
LE PASSANT, suivant des jeux un homme dans la foule. Est-ce lui? (4 demi-roiz. ) Saint-Régent et Carbon.
DEUXIEME PASSANT. Cerachies et Aréna.
PREMIER PASSANT. C’est toi ?—Eh bien ! quelles nouvelles ?
DEUXIÈME PASSANT. J'ai fait passer un billet à George Cadoudal.
PREMIER. PASSANT. Comment?
DEUXIÈME PASSANT. Dans son pain. Je lui dis qüe ce soir nous avons un rendezvous ici, que Bonaparte y vient quelquefois déguisé pour connaître l'opinion du peuple, et que, si nous pouvons le joindre... Enfin... il nous connait.
PREMIER PASSANT. Ët Moreau?
DEUXIÈME PASSANT. Ah! Nioreau! Il n’y a rien à attendre de lui ; il fait de la délicatesse, de la grandeur d’ame. Nous étions parvenus à soulever les soldats en sa faveur, tous lesimoyens d'évasion étaient préparés, il a refusé d’en profiter ; il veut être jugé. — Quant aux frères Polignac…..
PREMIER PASSANT. Chut! I] n’y a pas un instant à perdre. Demain on le couronne ; s’il allait faire grâce aux conspirateurs, cela ruinerait le parti royaliste, en le dépopularisant encore. Et puis des gens graciés, il n’y a plus moyen de les faire conspirer. Ecoute. L’un de nous le suivra s'il vient ce soir, et au moment où ül le frappera, l’autre criera an voleur à l’autre bout du marché. ( Apercevant l'espion qui rôde autour de lui.) Get homme nous 0observe toujours ; — viens.
LE CRIEUR. Voilà ce qui vient de paraitre, etc.
‘LABREDÈCHE , sortant de la baraque. T'enez , mon ami; — enchanté! il est impossible de ne pas le reconnaitre, quand on a eu le bonheur de voir une seule fois le grand homme... Je crois que voilà un
homme qui m’écoute.
LORRAIN , sortant. Je vous dis que je ne paierai pas.
LE SALTIMBANQUE. Et pourquoi ?
LORRAIN. Parce que vous avez dit que l’on né payait que si l’on était content, et que je ue suis pas content du tout, —(C’est
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pas pour les deux sous ; et la preuve... (Se retournant. ) Garçon! un petit verre. ( Il avale le pelit verre et paie. ) Vous voyez bien que c'était pas pour les deux sous. Mais vous m'avez fait des pyramides qui me suffoquent, cré coquin, et puis à Marengo, le premier consul n’est pas ressemblant. l x
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SCENE II. Les Mêmrs, BONAPARTE, DUROC.
LORRAIN. Oh! c’est que ce n’est pas à moi qu'il faut en faire accroire sur celuilà, au moins!—et me dire qu'il a les yeux noirs, quand il les a bleus ! Je l'ai vu à Toulon quand il a dit : Ces batteries-là ne bougeront pas de là. Je l’ai vu aux Pyramides quand il a dit : Du haut de ces monumens, quarante siècles vous contemplent ! Et tu te figures bien qu'après avoir été contemplé par quarante siècles, c’est pas toi qui me feras peur, entends-tu, paillasse! — Je l’ai vu au 18 brumaire, quand ils ont voulu l’assassiner, et que Murat nous a dit: Grenadiers, il y a ladedans cinq cents avocats qui disent que Bonaparte est un... — Ils en ont menti, que je dis. Eh bien! alors, dit-il, en avant, grenadiers , et faites-moi évacuer la salle aux avocats, — Ca ne fut pas long. Et il vient me dire à moi que son Bonaparte est ressemblant! Tandis que je l’ai vu vingt fois face à face comme je vous vois... (Voyant Bonaparte.) Cré..…. Cré.…. Cré.… coquin !
BONAPARTE. Chut! et paie. (4 un marchand. ) Eh bien! comiment va le comancrce ?
LE MARCHAND. Bien. Ca reprend. Oh! il était tems que premier consul se décidât à se faire empereur.
BONAPARTE. Tout [e monde est donc content?
LE MARCHAND. Je crois bien!
BONAPARTE , à Duroc. Tu vois, Duroc… ( Au marchand). Et les Bourbons?
LE MARCHAND. Bah! qui est-ce qui y pense ?
BONAPARTE. Î[ y a des conspirations tous les jours. ,
LE MARCHAND. Oui, parce que tant qu'il ne sera pas empereur et l’hérédité dans sa famille, ils auront l'espoir de revenir, si on l’assassine. Mais quand il faudra assassiner ses trois frères, tout le monde... bah! — Et puis, tenez, il à un tort, le premier consul : il s’expose trop. On dit