Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait, str. 210
204 DÉTAILS SUR LA SOCIÉTÉ D'OLTEN
On rapporta de nouveaux vins, et soudain, par un accord presque miraculeux, voilà tous mes Suisses qui se remettent à chanter la chanson du matin, Figurez-vous l'ébranlement que reçut le grenier de deux cents voix ivres, donnant des coups de gueule affreux, et appuyant surtout sur les dernières syllabes du vers avec toute la rudesse à laquelle la langue allemande est déjà si disposée par elle-même. Cette musique, ces cris, ces chants de fraternité, cette image de la patrie, ces sons aigus des plus hautes notes, et leurs accords à la tierce font un si prodigieux effet sur les organes suisses qu'ils ne se possèdent plus ; les convives se lèvent de table, jettent là leurs serviettes parmi les plats, se mettent à courir comme des bacchantes par toute la salle, le verre à la main; et c’est alors que vous voyez mille simagrées plus drôles les unes que :les autres. Tantôt ils trinquent tous ensemble ; si le couplet qui se chante contient quelque image énergique, ou prononce quelque serment, ils lèvent tous la main, tenant en l’air les trois premiers doigts ; tantôt s’accommodant à la mesure, ils se frappent de main en main, chacun reçoit une claque et la rend; tantôt deux amis se détachent, vont