Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

PORTRAIT DE MARAT 251

son maintien et la force de sa logique: dans la terreur qu’il leur renvoya dans l’âme, le mépris à la bouche et le pistolet à la main.

Si nous descendons quelques mois plus bas, nous irouverons dans une époque pareille quant à l’objet, mais différente dans ses circonstances, nous trouverons, dis-je, la preuve que pour subjuguer Marat, il fallait atteindre à son cœur. Lorsque les traîtres, les vrais factieux, plus forts et plus puissants par l’excès de leur critne, vinrent à bout de le faire mettre en état d’arrestation, ô comme après la séance et l'écoulement des députés, lorsqu'il se trouva presque seul dans la salle, environné de quelques patriotes affligés, comme j'observai douloureusement tout à la fois son affliction, son courage et sa présence d'esprit ! il refusa de livrer sa vie au poison ou à des assassins ; il fut ferme, mais il était triste et peiné ; mais on lisait sur son visage ce poignant chagrin d'un adorateur de la Liberté, qui voit triompher les ennemis de la Patrie, qui voit les patriotes succomber avec leur cause, sous les efforts redoublés de la perfidie et de la scélératesse. Lorsqu'après son Jugement il rentra triomphant à la Convention, porté et couronné par le Peuple, si quelque chose causa aux traîtres plus de dépit et de fureur que ce triomphe même, ce furent la modération et la dignité de Marat; et c’est là qu'il fut facile de juger de la bonté de son esprit, et combien sa raison et ses lumières étaient supérieures à ses passions.

La rapidité des événements de la Révolution qu'il fallait observer, le grand nombre de conspirations qu’il a fallu déjouer, les persécutions successives qui ne laissaient pas aux patriotes le temps de respirer, n’ont pas permis à

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