Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

PORTRAIT DE MARAT 259

tel que lui, dans un homme dont la vivacité des mouvements, l'impétuosilé du caractère, et la véracité tranchante ne pouvaient admettre aucune espèce de dissimulation. Marat avait de la prétention au machiavélisme : cet homme dont le regard seul donnait à un œil exercé l’idée la plus claire de sa situation; cet homme, dont le) moindre acte de zèle, quoique vrai, prenait la couleur de l'air affairé ; cet homme voulait qu'on le crût grand théoricien dans l’art de gouverner par la ruse et la cautèle ; il était si bien frappé de cette manie, .que, dans les petits cercles intimes, après avoir tempêté contre les ennemis de la Liberté, après avoir exhalé toute sa haine et détaillé tout ce que son caractèré lui suggérait de moyens, lorsqu'on mettait sur le tapis la ruse des aristocrates et leurs noirceurs, il se mettait à sourire; et d’un air parfaitement avantageux, nous priait d'être en repos; et, se frappant le front, le prétendait rempli de plus de rubriques que n'en pouvaient contenir les cabinets de Vienne, de Pétersbourg et de Londres tout ensemble : il n’en était très assurément rien. Etrange, mais assez commune bizarrerie des hommes, de vouloir précisément savoir le mieux la chose‘qu'ils savent le moins ! Pour peu que Marat s’aperçüt de l’incrédulité de ses confidents sur son machiarélisme, il se fâchait, et disait que nous verrions. Hélas ! quoi qu’on en ait dit, il était hon homme, et sur ce point nous n'avons rien vu de lui.

Marat eut de vrais amis; il les ménageait peu, les offensait quelquefois; mais il revenait facilement, promptement et de lui-même à eux, avec un repentir franc, simple, vrai, mais peu démonstratif. Il ne savait garder aucune rancune que contre les aristocrates ;