Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

PRÉCIS APOLOGÉTIQUE 275

Chabot m'appela et me mena dans la salle de la liberté. Là, il me dit : « Voici le nouveau projet de décret (bien projet de décret, bien intitulé Proyer en toutes lettres)!, « voici, dit-il, le nouveau projet, c’est Delaunay qui Pa « rédigé ; il n’a pas voulu le présenter, il craint; tu « T'as combattu avec tant d’acharnement qu'il est comme « fâché; enfin, il craint et je me suis chargé de te le « communiquer et de te dire de corriger, si tu ne le « trouves pas bien, afin d'éviter les disputes. » Je lis le projet, et bientôt je m'aperçois qu'au moyen de cette rédaction les administrateurs de la Compagnie des Indes pouvaient se rattacher de nouveau à leur proie et en écarter le gouvernement. Je me récriai avec force, en disant que je voyais le piège. Sur quoi Chabot me dit: « Eh bien! corrige, corrige; je ne « suis venu que pour cela : quant à moi, je n y tiens pas « du tout; corrige, exprime ton opinion, et je la com« muniquerai. » Effectivement, je pris sur-le-champ mon crayon, j'effaçai du projet de Delaunay tout ce que je crus être en faveur des administrateurs, et j’écrivis en marge mes idées, de manière à imprimer mon opi nion au projet, laquelle était toujours que les administrateurs ne pussent pas éluder la main du gouvernement; cela fait, je signai le projet, au erayon, avec paraphe à chaque correction, de peur qu'on ne doutât que ce ne fût bien là mon opinion; et je renvoyai le tout à Delaunay et à mes collègues. Chabot reprit le projet et s’en alla. Il est à observer qu'il manifesta, à

. À. Voyez les pièces originales : Elles ont été, par la suite, soustraites par Vouland, pour y substituer le véritable décret. (Note de Fabre d'Églantine.) \