Orateurs et tribuns 1789-1794

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et de grave: dans les hautes montagnes, il a quelque chose de solennel. Au soir d’une journée si pénible, il était doux de voir la nature rentrer dans l'ombre qui nous invitait au repos et d'en jouir un moment sur les restes de ces structures guerrières que la paix livre à la destruction ‘. »

Il était dans la destinée de Ramond de s’éprendre vivement des hommes et des choses, de n’épuiser que fort tard sa puissance de sensibilité et d'enthousiasme. Lavater le fascine presque et il subit, quelque temps au moins, le charme de Cagliostro, le fils du cabaretier de

1. On trouverait aisément dans l'œuvre de Ramond une charmante anthologie de paysages qui prendrait place après les Morceaux choisis de Buffon. C'est ainsi qu'une rencontre de bergers dans la vallée de Gavarnie lui inspire cet aimable croquis : «Chacun chassait devant soi son bétail. Un jeune berger marchait à la tête de chaque troupeau, appelant de la voix et de la cloche les brebis qui le suivaient avec incertitude et les chèvres aventurières qui s'écartaient sans cesse. Les vaches marchaient après les’ brebis, non, comme dans les Alpes, la tête haute et l'œil menaçant, mais l'air inquiet et effarouchées de tous les objets nouveaux. Après les vaches venaient les juments, leurs poulains étourdis, les jeunes mulets plus malins, mais plus prudents; et enfin, le patriarche et sa femme, à cheval; les jeunes enfants en croupe, le nourrisson dans les bras de sa mère, couvert d’un pli de son grand voile d'écarlate; la fille occupée à filer sur sa monture ; le petit garçon à pied, coiffé du chaudron; l'adolescent armé en chasseur; et celui des fils que la confiance de la famille avait plus particulièrement préposé au soin du bétail, distingué par le sac à sel, orné d'une grande croix rouge. Naïve image de l'homme qui accomplit le premier pacte que sa race ait fait avec la terre: vivante image du pasteur de toutes les mon