Portalis : sa vie, et ses oeuvres

4 PORTALIS déclamation. Il attaque courageusement les erreurs les plus graves de Rousseau, il touche aux questions immenses de la nature de Dieu, de la religion, de la liberté, de la loi naturelle, et, sur quelques points, il relève avec bonheur les inconséquences du Vicaire Savoyard. Mais son œuvre n’est ni assez complète ni assez solide. C'était, d’abord, une faute évidente que de vouloir réfuter, en quelques pages et par propositions détachées, une système philosophique aussi vaste et aussi fortement lié que celui de l'Émile. D'un autre côté, après lessanglantes exécutions de Calas, de Sirven et du chevalier de La Barre, n’était-il pas périlleux d'établir un parallèle entre les dangers du fanatisme et ceux de l’incrédulité? N’était-1l pas surtout téméraire de s’inscrire contre cette proposition si vraie de JeanJacques : « Il n’y a point de véritable volonté sans liberté ? »

Il eût suffi de signaler avec bienveillance à Portalis les erreurs qu'il avait commises pour en obtenir la rectification. L’intolérance philosophique, aussi impitoyable que l'intolérance religieuse, préféra calomnier le jeune auteur, en réfutant son ouvrage. On l’accusa de plagiat ; ses amis prirent sa défense et cette petite querelle littéraire enflamma les passions locales. Portalis demeura impassible. Dédaignant l’accusation injuste lancée contre lui pour s'attacher seulement aux critiques littéraires, il accueillait celles-ci avec une patience rare chez un jeune homme et il écrivait à un de ses amis : « Il faut savoir être content de ceux » qui nous apprennent à être mécontents de nous-