Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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profession de foi philosophique et sociale qui permit d'en saisir le lien intime et l’unité morale. Elle avait confié cette mission à Portalis, que semblaient naturellement désigner ses antécédents, son esprit synthétique, ses études philosophiques, son style noble et brillant. Ce choix a été ratifié par le suffrage des contemporains et par celui de la postérité. Le Discours préliminaire est, en effet, le chef-d'œuvre de la grande école juridique qui est née, au XVI siècle, de l'Esprit des lois, que Filangieri, Vico et Beccaria ont illustrée et qui, écartant les arguties des procureurs et les subtilités des commentateurs, a éclairé la jurisprudence à la double lumière de l’histoire et de la philosophie. Portalis rappelle d’abord, en quelques mots, comment, à côté de l’unité législative créée, dans le midi de la Gaule, par la domination romaine, l'invasion des Barbares, le triomphe des Francs et les dissensions féodales multiplièrent les coutumes locales au nord de la Loire; comment, à mesure qu'elle s’enrichissait des dépouilles de ses feudataires, la royauté s'engageait à respecter la législation particulière des nouvelles provinces ; comment enfin, grâce à l'attachement des populations pour leurs anciens usages, la diversité des lois civiles s'était perpétuée en France, à travers les siècles, jusque sous l'empire de la centralisation politique la plus absolue. L’utilité d’une loi unique n’était cepen-

dant pas méconnue; on en comprenait les précieux avantages, on en sentait la nécessité : tous nos grands rois, tous nos hommes d'État l'avaient désirée; quel-