Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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zanime l’audace des anarchistes ; ils veulent opprimer Îe directoire et le corps-législatif par les soldats de leur garde, et par le camp de Grenelle. Eternels parodisies des mouvemens opérés avec succès dans la révolution, ils essaient vis-à-vis des soldats républicains les séductions qui entraînèrent les gardes francaises avant le 14 juillet. Mais à cette époque, fa défection était excitée par le plus vif enthousiasme qui ait jamais transporté une nation presque entière ; elle était sollicitée par des hommes illustres, puissans , opulens, et par des femmes bien différentes de celles qui, sous des traits hideux et féroces, suivaient la troupe des anarchistes. Ils s’aveuglèrent, et, buvant avec des soldats, ils prirent au sérieux ces extravagantes promesses de fraternité que l'ivresse prodigue.

Le directoire et la police recurent des avis journaliers de ces trames nouvelles. Le gouvernement parut las de dénoncer des complots avortés dès leur naissance. On croit aujourd'hui qu’il fut de moitié avec les conspirateurs pour laisser éclater un mouvement qui assurât enfin sa vengeance et leur punition.

Dans la nuit du 24 au 25 fructidor , les anarchistes sortent des cabarets , foyers accoutumés de leur conspiration ; ils sont sous la conduite de quelques militaires destitués , et qui ont revêtu l’uniforme qu’eux seuls n’ont point honoré. Ils traversent Paris , dont le profond repos semble assurer à leurs vœux le sommeil de l'autorité. Ils se divisent en deux bandes ; l’une doit se diriger vers le Luxembourg , l’autre vers le camp de Grenelle. Ils portent avec eux de nombreux exemplaires d’une proclamation qui doit être distribuée aux soldats. L'esprit séditieux ne s’est pas montré fort éloquent durant la révolution. Cette pièce n’a pas un trait qui la distingue des discours qui ont causé notre épouvante, et qui n’excitent plus que notre ennui. J'en vais seulement rappeler le début.

« Amis, les tyrans pâlissent; ils n’attendent plus que » le moment où tout un peuple indigné des forfaits qu'ils » ont commis va les plonger dans la nuit éternelle de la » mort. Soldats de la patrie! le moment favorable appro» che, ce moment où, réunis sous le même étendard, » nous allons briser pour jamais des fers que des scélé» rats nous ont fait porter trop long-temps. Nous allons » redevenir libres et souverains ; et l'égalité, cette douce » compagne de la liberté, sera la récompense des défen» seurs de la patrie. »

Les séditieux, en s’approchant du Luxembourg, virent la garde du directoire sous les armes, et dans une dis-