Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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LIVRE SECOND.

J: comprendrai dans ce livre {et la vaste étendue du sujet que je traite m’en impose la loi}, je comprendrai une suite d’événemens qui, séparés, pourraient être l’objet de plusieurs histoires longues, instructives , imposantes. Je cherche à les lier entre eux, et à peindre en même temps les efforts inouïs, que pendant deux années, la France fit autour d’elle et sur elle-même, Ges deux années furent les plus belles que la république française obtint dans sa courte et orageuse durée. À peine l’aurai-je représentée au sommet de sa gloire, qu'il faudra m'occuper de son déclin. Ses destinées , favorables ou contraires, se précipitent tellement, qu’elle ne paraîtra plus dans notre histoire qu’un intervalle entre deux dynasties, et que déjà on la nomme interrègne.

Lorsque le directoire ouvrit sa magistrature, les Français s'étaient ralentis dans leurs triomphes. En Italie, une grande victoire était restée pour eux presque sans fruit; sur les bords du Rhin, ils s’étonnaient et s’indignaient d’avoir éprouvé une défaite. La reconnaissance des soldats pour un général qui deux fois avait arrêté et repoussé la coalition dans'ses plus grands efforts, au milieu de ses succès les plus importans , leur cacha long-temps la cause de ce revers, qui ne put ternir, mais qui suspendit quelques mois la gloire de leurs armes. Le cri de trahison, si prompt auparavant à sortir de leur bouche, fut étouffé par le seul nom du général Pichegru. Le temps n’a pas encore soulevé tous les voiles qui dérobèrent à une armée fidèle les trames perfides d’un chef dont la défection ne fut provoquée par aucune crainte, par aucune de ces passions qui entraînent les ames ardentes. Les intelligences de ce général avec les enne mis qu’il avait vaincus sont un fait irrécusable : l’histoire ne peut encore en indiquer avec clarté ni les causes ni les moyens. Un siècle et demi s’est écoulé depuis l’entreprise du général Monck ; et, malgré son succès, qui semblait appeler sur elle le jour le plus éclatant, nul historien ne peut dire avec certitude , quand Monck la concut, si ce fut plusieurs années, ou si ce fut seulement quelques jours avant qu’il l’exécutât. Devons-nous nous étonner de tout ce qui reste obscur, ou même impénétrable dans la conduite de Pichegru ?

Cet homme, dont le nom devint si imposant dans la