Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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après une suite de combats glorieux, de Botzen, de Clausen, de Brixen. Bonaparte a pressenti le péril de Joubert et les desseins de Laudon, qui aspire à couper à la grande armée ses communications avec l'Italie. Déjà il a fait filer des secours sur le Tyrol : il en dispose d'autres qui prendront cette route suivant le besoin. Pour lui, chaque jour est marqué d’un succès. Il recueille les tributs des riches provinces de la Styrie et de la Carinthie. Son quartiergénéral est à Clagenfurt; sept ou huit jours de marche et de combats le porteront jusque sous les murs de Vienne.

Ce fut alors qu’éclata le secret de cette expédition que Bonaparte avait ardemment précipitée, sans attendre les autres armées de la république. Ce secret était d’arracher la paix à deux gouvernemens, dont l’un ne pouvait se lasser de conquêtes, dont l’autre ne pouvait se résigner à des pertes, à des sacrifices qui avilissaient sa longue et glorieuse existence. Il s'agissait de triompher, au nom de Phumanité, de l’obstination du directoire , de celle du cabinet de Vienne, et de triompher encore mieux des fraudes et du sang-froid barbare du cabinet de Saint-James.

Le 11 germinal (31 mars 1797), Bonaparte écrivit en ces termes au prince Charles.

« Monsieur le général en chef,

» Les braves militaires font la guerre et désirent la paix. Celle-ci ne dure-t-elle pas depuis six ans ? Avons-nous assez tué de monde , et fait assez de maux à la triste humanité ? Elle réclame de tous côtés. L'Europe, qui avait pris les armes contre la république française, les a posées. Votre nation reste seule, et cependant le sang va couler plus que jamais. Cette sixième campagne s'annonce par des présages sinistres : quelle qu’en soit l'issue , nous aurons perdu de part et d'autre quelques milliers d'hommes de plus, et il faudra bien que l’on finisse par s'entendre, puisque tout a un terme, même les passions haïneuses.

» Le directoire exécutif de la république française avait fait connaître à sa majesté l’empereur le désir de mettre fin à la guerre qui désole les deux peuples. L'intervention de la cour de Londres s’y est opposée. N'y a-t-il donc auun espoir de nous entendre? et faut-il, pour les intérêts ou les passions d’une nation étrangère aux maux de la guerre, que nous continuions à nous entr'égorger ? Vous M. le général en chef, qui par votre naissance approchez du trône , et qui êtes au-dessus de toutes les petites passions qui agitent les ministres et les gouvernemens , êtes-vous décidé à mériter le titre de bienfaiteur de l'humanité entière et de vrai sauveur de l'Allemagne ? Ne croyez pas; M. le gé-

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