Six lettres inédites de Gustaf Mauritz Armfelt à Francis d'Ivernois

10 O. KaRMIN et H. BIAUDET B VIIL,:

I

Armfelt, après une campagne malheureuse en Norvège, est tombé en disgrâce. Le roi le révoque de son commandement et l’exile dans ses terres (le domaine d’Âminne en Finlande), le 15 août 1808. Mais Âminne est occupé par les troupes russes, ce qui oblige Armfelt à rester à Nynäs en Suède.

Le 12 décembre 1808 il envoie une lettre au comte Axel Rosen dans laquelle il développe le projet d’une intervention anglaise pour sauver la Suède, alors attaquée de tous ses voisins et obligée de faire face de trois côtés à la fois: vers le Danemark, la Norvège et la Finlande. — En janvier 1809 un mémoire plus complet sur la nécessité d’une intervention anglaise est soumis au duc Charles de Sôdermanland; Armfelt s’y offre pour aller à Londres et négocier une alliance anglo-suédoise. Le duc Charles soumet ce projet au roi, son frère. Gustaf IV Adolphe s’y intéresse d’abord vivement, mais finit par ne lui donner aucune suite.

À la fin de l’hiver 1809 éclate la révolution; le général Adlersparre, commandant des troupes opposées à la Norvège, marche sur Stockholm; le 13 mars le roi a été arrêté dans son palais et conduit au château de Drottningholm. Le duc Charles de Sôdermanland — qui bientôt succèdera à son frère sous le nom de Charles XIII — pour récompenser Armfelt de sa participation active au mouvement révolutionnaire — le nomme commandant de l’armée qui opère contre la Norvège. Armfelt se rend à Gôteborg, quartier général de cette armée. C'est de là qw’il écrit la lettre suivante:

Gothembourg, ce 6 Septembre 1809. Monsieur,

C’est à Vennersborg que j'ai reçu la lettre du 1° Août dont vous m’avez honoré, Monsieur, ainsi que le petit écrit, extrêmement intéressant, qui l’accompagnait. On ne saurait en moins de lignes démontrer des plus grandes vérités et dont la pratique serait plus utiles, si on pouvait calculer sur la conviction des gens, dès qu’ils ont cessés d’avoir une opinion à eux. La conduite politique de la Russie, ainsi que les principes de son administration actuelles, sont sans exemples, et il n’est pas difficile de voir quelle sera la fin tragique de toutes les fautes et méprises qui s'accumulent sans interruption dans toutes les branches de ce gouvernement. Il fallait bien moins que cela, dans les tems où nous vivons, pour dissoudre des liens qu’un despotisme incalculable avait trop tendus, avant que l'esprit et l'exemple de la plus atroce des Révolutions étaient parvenus à les ronger. Je me trompe fort si la Russie existe comme