Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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Le 16, en sortant d’Avesnes, je me rends à Charleroi : la bataille était engagée; j'entre dans une maison pour faire rafraîchir mes chevaux. J'étais à table, le canon ronflait. Tout à coup, un grand bruit se fit entendre dans la ville; tout fuit, la rue est encombrée de voitures, de cavaliers, de fantassins qui se sauvent. « Nous sommes perdus, me dit mon hôte, voilà l’ennemi. » Je cours à l'écurie, et, dans l'allée qui y conduit, je rencontre un homme dérouté à poil sur un de mes chevaux. Je le culbute, j'enfourche le cheval, et, ne voulant pas fuir sans avoir vu l'ennemi, je marche au danger; mais, sorti dans la plaine, je ne remarque plus que quelques dragons qui me parlent d’une charge de cavalerie, dans le lointain. C'était une fausse alerte, qui se prolongea comme un éclair jusque dans l’intérieur de la France et y porta la terreur.

Revenu à mes chevaux, je les reprends et vais droit au canon. J'arrive sur le soir au champ de bataille de Fleurus; j'apprends que la victoire a été fortement disputée. Ce n'était plus l’armée d'autrefois! Cette espèce d’insouciance, qui faisait braver jadis tous les dangers, avait fait place à une tristesse qu'on sentait au fond du cœur. « Com-

vant lui, Ney arrêta vers les 4 heures la tête de l'infanterie (Is corps) au village de Gosselies, enlevé après une courte canonnäde, et se contenta de pousser la cavalerie en reconnaissance vers les Quatre-Bras, encore faiblement défendus par un détachement de Nassau : la position enlevée, la route de Bruxelles eût été ouverte dès le soir même! (Note de l'éditeur.)