Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
1815 — NEY, LE « BRAVE DES BRAVES » 395
le cœur français et que Bonaparte avait recouvré les sympathies nationales. Cependant, Ney venait d'imprimer aux populations qu'il avait traversées des sentiments contraires : quels furent ses regrets! Lui, le patriote par excellence, allait donc allumer la guerre civile! Il n’hésita pas; il crut devoir à sa patrie le sacrifice de ce qu'il avait fait et désabuser les populations impressionnées par son précédent langage. Dans sa nature, le prince de la Moskowa devait faire sa proclamation; il obéissait à son instinct patriotique en la prononçant avec véhémence. Ce n’était pas par affection personnelle pour l'Empereur qu'il agissait ainsi, c’était par dévouement pour la France.
Dans un temps ordinaire, pour l’homme d’État, pour le magistrat, le devoir est facile : le roi est l’image du pays; il commande et l’on obéit; l’esprit ne peut s’égarer; en servant le roi, on sert la patrie elle-même. Mais lorsque, par une exaltation qui porte le caractère de la généralité, le roi et le pays se séparent, lorsque le gouvernement cesse d'être la représentation réelle de la nation, que devient le devoir? Comment le découvrir? La réponse est toute prête pour le fonctionnaire civil : il attend. Quant à la force publique, qui ne délibère pas et qui pourtant, quoique sans guide, doit se montrer à l’instant même, comment doit-elle agir? De quel côté doit-elle frapper?
Les uns, imprégnés des vieilles maximes de la légitimité, voient toujours la patrie dans le roi et