Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
62 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR
fumée qui masquait ma droite; le galop des chevaux, le cliquetis des sabres nous annoncent une charge. La cavalerie de Kellermann fait un mouvement par quatre, demi-tour à gauche, et s’enfuit; mais, comme notre infanterie l'empêche de passer, elle galope le long de la ligne, afin de pénétrer par les intervalles. Toute la cavalerie du grand-duc Constantin se précipite dans nos pièces; les soldats se jettent sous les caissons et sous les canons; les artilleurs se battent avec leurs écouvillons; notre infanterie ne peut tirer, se trouvant masquée par la masse de la cavalerie de Kellermann (1). Mais bientôt, la ligne est découverte et fait un feu roulant à trente pas sur l’ennemi. J'étais alors acculé dans mes chevaux de trait, me battant corps à corps avec un officier, qui déjà d’un coup de sabre m'avait emporté le petit doigt de la main droite, lorsque le cheval de cet officier s’affaissa frappé d’une balle. L’officier se précipita à mon étrier : « Avouez, dit-il, que nous sommes braves. » Il répéta plusieurs fois ces paroles, restant toujours auprès de moi et se regardant comme mon prisonnier. La cavalerie ennemie, écrasée par le feu de la ligne, prit la fuite; toute notre cavalerie se mit à sa poursuite et enfonça le centre de l’armée coalisée, sans qu'elle pût tirer un coup de
(1) Le grand-duc Constantin commandait la garde impériale russe, formant réserve. Il envoya sa cavalerie pour dégager son infanterie entamée par l'aile gauche française sous Lannes
et les charges dont il est question se livrèrent entre le Goldbach et Austerlitz, vers Blaschowitz. (Note de l'éditeur.)