Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
84 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR
maréchal Ney écrase Lestocq, et, craignant que cette masse n’arrive au village avant le général Marchand, je côtoie le bois en dehors, à la vue de l'ennemi.
Après mille détours, je parviens auprès du maréchal Ney. qui, me voyant arriver, s’écrie : « Marchand est-il au village? » — « Non, lui dis-je, il faut encore un quart d'heure. » — « Partez, reprend Ney, et dites-lui de presser sa marche. » Je fais volte-face, pique des deux et pars au galop. Mais voilà que mon cheval tombe dans un fossé rempli de neige; il se relève : mon pied est pris dans l'étrier et l’'éperon enfoncé dans le pommeau de la selle. Je reste suspendu tête en bas, à six pouces de la terre; je croise les bras et le cheval se lance au galop au milieu de la cavalerie ennemie et de l'infanterie de Lestocq. Le maréchal Ney envoie vainement à mon secours. Mon cheval traverse les lignes malgré les coups de feu que l’on tire sur moi, et, après bien des circuits, il entre dans un champ entouré de barrières et s’arrête à l’une d'elles. Je me dégage, le renfourche, et, reprenant ma route à travers l'ennemi en désordre, je me sauve de cette épouvantable mêlée sans la moindre blessure. Mes mains croisées avaient ramassé la neige; je glissais sur les blancs tapis étalés sous ma tête. À ce moment, il était près de # heures du soir, je regagnai la colonne du maréchal Ney; il avait rejoint dans le village le général Marchand : trois mille prisonniers, commandés par plusieurs