Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 159

Parcourons ces lettres. Elles sont de 1821 ou 22, un peu postérieures au premier amour... Que dis-je, un peu? Quatre ans. C’est peu, au regard de l’éternité; c’est beaucoup, au regard d’un René de Chateaubriand qui, en amour, n’était pas entêté. A cette époque-là, notre héros était ambassadeur à Londres et il allait partir pour le congrès de Vérone.

Done, il écrit : « Ne nous désolons pas d'avance. Si la chose à lieu... » Cela veut dire : Si je pars pour Vérone... « nous achèterons par quelques mois un long et plus sûr avenir... Bonsoir, ange. À demain matin et puis à demain au soir à huit heures, Je vous aime... » Mme Lenormant n’a point publié cette lettre-là.

Et puis : « Ne vous désolez pas, mon bel ange. Je vous aime, je vous aimerai toujours. Je ne changerai jamais, Je vous écrirai; je reviendrai vite et quand vous l’ordonnerez. Tout cela sera de courte durée. Et puis, je serai à vous à jamais! » Mme Lenormant n’a point publié cette lettre-là.

Et puis : « Vous trouverez ce mot à votre réveil,

comme de coutume. Vous verrez que rien ne chan-

gera dans notre vie si vous ne changez pas. Je monte en voiture à l'instant. Il est cinq heures et demie. À bientôt, j'écrirai de Calais. J'aime mon bel ange pour la vie.» Mme Lenormant a publié cette lettre-là, mais non pas tout entière. Elle en a supprimé onze mots exactement; pas un de plus. Mais, à vrai dire, elle les a bien choisis. Elle a supprimé dans notre vie; et la phrase n’est plus la même. Elle a trouvé dans