Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 203

paroles foudroyantes; je le vois, sublime de colère, en face de cette mer qui nous écoute, tandis qu'un magnifique soleil couchant qu’il ne pouvait, même dans ce moment, s'empêcher de contempler en poète, illuminaït sa noble figure et resplendissait comme une auréole autour de son front irrité ». Admirons-le, ainsi auréolé du nimbe que lui fait le déclin du jour. Il devine et il prophétise la fin de la monarchie française ; et, occupé de ces pensées formidables, urgentes, terribles, 1l regarde, en artiste, le beau soleil couchant! Je ne sais s’il n’y cherche pas des allégories, des images. En outre, ne songe-t-il pas à ses responsabilités? La rude campagne qu’il a menée contre les ministres de Louis XVIII est pour quelque chose dans les embarras qu'a éprouvés la monarchie des Bourbons. Je crois qu’il pense à tout cela et qu'il s'interroge aussi sur la situation que fait à sa fortune politique le coup d’État des ordonnances. Mais il regarde la nature, qui prend les splendides couleurs du soir.

Il partit pour Paris. Il y venait avec le projet de défendre les « libertés publiques ». Mais il y trouva la révolution; et alors, ce qu’il eut à défendre, c’est la monarchie légitime. Ce tournant de sa vie politique est beau : l’on vit un homme qui sacrifiait à l'honneur son intérêt et jusqu’à ces préférences d'idées que d’autres appellent convictions.

Juliette aussi quitta Dieppe et vint se réinstaller à l'Abbaye. Un soir, après le dîner, Mme de Boigne prit un fiacre afin d’aller causer avec Juliette. Elle