Trois amies de Chateaubriand

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de longues percées traversant arbres après arbres, c'était vous! » Ainsi se mêlaient dans sa mélancolique rêverie les journées augustes de l'histoire et les journées charmantes de son amour; elles se confondaient, le voisinage des unes glorifiait les autres et le même sentiment de la mort prochaine, évoqué par l'emblème des arbres qu'avait marqués le bûcheron, présidait au jeu divers de ses pensées.

Septuagénaire, il soignait encore sa toilette, pour les visites qu’il faisait à Juliette. On le voyait cheminer parmi la foule, petit vieillard élégant, habillé d’une redingote noire assez courte, le pantalon maintenu sur la chaussure par des dessous de pieds, la cravate soignée, des gants, une badine d’ébène à la main. La tête, un peu inclinée sur l'épaule, était fort belle : osseuse, quasi ascétique, les tempes saillantes, le front magnifique, dénudé au milieu, mais couronné d’épais cheveux blancs; et, sous les sourcils touffus, le regard était doux, triste, énergique et souverain,

Il venait tous les jours à l’Abbaye-au-Boïs; c’était le refuge de sa mélancolie.

Il détestait de vieillir. Un jour, au commencement de l'hiver de 1839, il y avait un peu de monde, chez Mme Récamier. Mile Rachel était là, toute jeune et déjà renommée pour avoir été, dans Les Horaces, une Camille surprenante; mais elle ignorait absolument le monde et il fallut que la bonne Mme Ancelot

4. Enmowr Biré, Les dernières Années de Chateaubriand, p. 259. Lettre du 31 octobre 1837.