Trois amies de Chateaubriand
MADAIE RÉCAMIER 917
Il s’installait dans un autre fauteuil. Et ainsi, face à face, le roi du génie et la reine de la beauté, malades et vieux, demeuraïent longtemps l’un auprès de l’autre, silencieux, sans plus rien dire. Îls s'étaient tout dit. Et le commun voisinage leur ailégeait la pensée de l'éternité.
J’appelle éternité leur rêve, faute de savoir comment le définir. Il n’est pas facile d’entrer dans le secret d’un tel silence.
En 1846, pour qu’on lui fit l'opération de la cataracte, Juliette alla s’installer à Passy. Chateaubriand y venait tous les jours. Le 16 août, il n’arriva point; et, le 17, il écrivit à son amie : « Me voilà arrêté; j'étais descendu hier au Champ-de-Mars, quand mes deux rosses, faisant les fringantes, se sont emportées et m'ont un peu traîné. Je ne puis donc aller vous voir aujourd'hui. Adieu donc jusqu'à demain, si je me trouve un peu bien et si je puis remuer. » Il s'était cassé la clavicule. Juliette revint aussitôt à Paris, remettant à plus tard son opération, afin de soigner son ami.
À partir de cette époque, Chateaubriand fut tout à fait incapable de marcher. Quand il allait à l Abbayeau-Bois, on le portait de sa voiture au salon; et alors, on le plaçaït sur un fauteuil qu’on roulait jusqu’à la cheminée. Il souffrait de ses infirmités, et il en souffrait dans sa coquetterie.
Le 9 février 1847, Mme de Chateaubriand mourut. On lenterra dans la chapelle de l’Infirmerie Marie-Thérèse. À la mort de cette femme « distin-
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