Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
54 CHAPITRE DEUXIÈME.
son dernier témoin, celui qu'il apostrophe avec une éloquence émue, c'est d'Esprémesnil, alors un tribun populaire, qui depuis.
En somme, d’Antraigues était déjà plutôt avec les dogmatiques de l’école historique et parlementaire qu'avec les défenseurs des Droits de l’homme; il avait rédigé, sur le ton des publicistes à la mode, une remontrance où il avait juxtaposé les maximes philosophiques etles citations savantes. Il demandait, sous forme de révolution, une restauration. Cette tendance s’accuse particulièrement dans les dernières pages, où il développe, par voie de digression, sa thèse d’intérêt local. À grand renfort de textes, il démontre la nécessité d'enlever à des États illégaux comme ceux du Languedoc la nomination des députés de la province. Puis, pour clore et recommander son véhément plaidoyer, il fait de nouvelles avances au parti des réformes. Il propose de substituer à l’armée royale, instrument de despotisme, une armée « citoyenne », purement défensive contre l'étranger : il réclame sans réserves la liberté de la presse; il s'écrie : « Le tiers élat est le peuple, et le peuple est la base de l'État; il est l'État lui-même... Il faut donc que le nombre de ses députés égale au moins celui des deux autres ordres réunis... Il n’est aucune sorte de désordre qui ne soit préférable à la tranquillité funeste que procure le pouvoir absolu (1). » A la faveur de telles déclarations, l’auteur se voyait déjà jouant un grand rôle; et il songeait, j'imagine, moins à Mirabeau qu’à lui-même quand il voyait se levant dans la prochaine assemblée un homme éloquent, un prédicateur infaillible de la science politique, commandant aux passions, unissant les cœurs,
(1) Mémoire sur les Ltats généraux, p. 246-247, 251.