Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
56 CHAPITRE DEUXIÈME
la Cour? Avec tout le monde, il jouissait impunément, en dehors d'elle, de sa part de souveraineté. À tout le monde il apparaissait comme l'émule de Publicola et des Gracques, comme un des bienfaiteurs politiques de la nation régénérée. Dans certains conciliabules, on récitait avec componction autour du buste de Necker le Credo d’Antraiques (1). Son compatriote Soulavie lui dédiait (il a depuis effacé son nom) une brochure intitulée l’Aristocratie enchaïnée et surveillée par la nation et le roi. Mirabeau lui demandait des conseils au moment de se présenter à la députation. Les électeurs parisiens du tiers parlaient de le mettre sur leur liste à côté de l'abbé Sieyès, et d'associer ainsi deux bruyants transfuges du clergé et de la noblesse à leurs revendications. D'Antraigues, fort de cette popularité, propagea dans sa province l'agitation qui, chez ses voisins du Dauphiné, aux assemblées de Vizille et de Romans, avait abouti à desrésolutions si hardies. Le 28 octobre 1788, les trois ordres du Vivarais réunis à Annonay rendirent un arrêté par lequel ils réclamaient un nombre suffisant de députés aux États généraux, élus par eux aux chefs-lieux de leurs deux sénéchaussées. Ils se rassemblèrent de nouveau à Privas du 17 au 19 décembre, et là réclamèrent pour l'assemblée future le vote par tête, et pour leur province la forme d'administration accordée au Dauphiné (2).
du Haut-Vivarais : « Je me conduis bien, et j'irai aux États généraux où à la Bastille peut-être. » (Dans la revue /« Révolution française, t. 1, p. 125.)
(1) Mémoires de Condorcet, t. 1, p. 263. — Letre à M. le <omte d'Antraigues, ete., p. 2.
(2) Procès-verbal de l'assemblée générale des trois ordres du Vivarais, tenue à Privas les AT, 18, 19 décembre 1789 (lire 1788). Bourg-Saint-Andéol, Guillet, in-8°, 148 pages