Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

66 CHAPITRE DEUXIÈME.

comme celui de tous mes concitoyens. Hors de là, je ne vois que tyrannie fatale à tous (1)... »

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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789-1790).

D'Antraigues entrait à l'Assemblée nationale précédé par cette renommée équivoque que lui avaient créée successivement son manifeste révolutionnaire de 1788 et ses récents discours dans la Chambre de la noblesse. Comment le même homme avait-il pu, dans l’espace de quelques mois, écrire comme Sieyès et parler comme d’Esprémesnil? Parmi les vainqueurs du jour, la clameur fut générale contre lui. Cette brusque volte-face, cette amende honorable faite à l’ancien régime expirant exaspérèrent ses admirateurs de la veille. I s’est vanté depuis d’avoir recu des menaces de mort. « Si l’on veut m’assassiner, aurait-il dit, on devrait se presser, Car je craindrais qu’un squirre au foie n’eût seul la gloire de m'avoir vaincu. » Il aimait à accuser sa mauvaise santé; c'était un titre de plus à l'intérêt d'autrui.

Nul ne songeait à attenter à sa vie, mais un déluge de brochures, les unes écrites sur un ton pathétique, les autres ironiques ou indignées, s’abattit sur lui. Les auteurs de la Galerie des États généraux dessinèrent, avec leur malice ordinaire, le portrait suivant, que chacun reconnut : « Anténor est né courtisan et se croit républicain. Lui-même n'est pas encore bien sûr de ce qu'il pense. (Il) épouse avec ardeur les intérêts de ceux qui

(1) D'Antraigues à Saint-Priest, 24 septembre 1799 (A. F.)