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Le pouvoir des folies théâtrales Sur des thèmes comme l’ambiguïté et l’hypocrisie des acteurs et du théâtre, la dialectique de la tradition du théâtre, de l’histoire du théâtre et des sciences du théâtre, la relation entre ces trois phénomènes et la pièce de Jan Fabre, l’auteur crée son spectacle en mêlant à ses propres idées et opinions tout ce que peuvent apporter la personnalité, les expériences, les connaissances, les impulsions, de la vingtaine de comédiens, professionnels ou non, dont il s’est entouré. Quatre langues seront utilisés: le néerlandais, langue maternelle de Jan Fabre; les deux autres langues parlées en Belgique, le français et l’allemand; l’anglais, qui a fortement influencé la génération de Jan Fabre. Le texte se compose de dates (années), de titres de productions

théâtrales, de noms de metteurs-enscène, d’auteurs, de compositions, de choréographes et de noms de théâtre. Ces références choisies par Jan Fabre représentent pour lui les événements les plus importants du théâtre depuis 1876 {Ring des Niebelungen) jusqu’à 1983 {C'est du théâtre comme il était à espérer et à prévoir). Jan Fabre utilise ce collage pour représenter un temps historique artificiel pendant le cours de son spectacle; la signification réelle du texte est secondaire. La façon dont il sera dit lui donnera une nouvelle signification, liée aux thèmes traités.□

Par qui l’événement arrive! Bien sûr, on l’avait supputé, chuchoté, prédit, mais on sait que les prédictions en matière de spectacle, plus qu’ailleurs peut-être, tiennent souvent du phantasme. Et pourtant, le fait est là: au troisième jour d’un

théâtre des Nations, planté cette année en Lorraine, en lieu et place du traditionnel festival de Nancy, la Belgique a créé l’événement. Il faut dire qu’au regard des quelques spectacles déjà présentés, le défi n’apparaissait pas excessivement lourd à relever: car en dehors de la R.F.A. et de l’ltalie, ce que les nations nous proposent ici s’apparente parfois davantage à des documents socio-ethnologiques qu’à des produits artistiques ou des créations culturelles. Nous reviendrons, dans un prochain article, sur les diverses péripéties de ces débuts festivaliers moroses, où il n’y a guère que le soleil qui soit à la fête et qu’une méchante langue comparait à un congrès d 'Exploration du monde des mauvais jours... POUR l’heure, triomphalisons donc. J’ai dit que le seul choc était belge. Il importe de préciser qu’il est flamand, puisque nommé Jan Fabre, Anversois prodige de vingttrois ans, que les scènes internationales nous arrachent déjà, avant que nous ne l’ayons vraiment reconnu nous-mêmes (vieux refrain!). Fabre à Nancy, après Venise, avant Amsterdam, Rotterdam, Polverigi, Kassel, Nijmegem, Paris, Lille, Bordeaux et, enfin, le Kaaitheater Festi-

val à Bruxelles, c’est, outre la moindre et la meilleure des choses, la folie théâtrale retrouvée; passion, excès, délire, provocation, amour ou haine, tout ce qu’on voudra, sauf indifférence, sauf ronronnement... ouf (!). Car ce que j’appelais l’événement était au moins autant dans les réactions au spectacle que dans le spectacle lui-même, ressuscitant une dynamique tellement souvent absente aujourd’hui et sans laquelle le théâtre n’est pourtant plus que lettre morte et geste vain. Mais qu’est-ce que Le pouvoir des folies théâtrales ? En données objectives, une série de longues séquences d’une durée totale de quatre heures et demie environ, sans entracte, composées, écrites en quatre langues (mais le texte tient en quelques dates, lieux et grands noms du théâtre et de la danse) et mises en scène par Fabre, interprétées par douze comédiens en costume para militaire à transformations et deux en rois nus, sur fond blanc ou projections géantes de tableaux classiques (Fragonard entre autres), accompagnées d’une musique originale - mais aux relents wagnériens de Wim Mertens, jouée par Soft Verdict... De quoi traite Le Pouvoir des folies

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