Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

98 LA RÉFORME POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE

Maury se chargea de réfuter sur l'heure ces orgueilleuses prétentions. « Des alliés, dit-il, ne députent pas; or Saint-Domingue a député; donc les colons sont, comme nous, les sujets et non les alliés de l'empire français. » Ce syllogisme était irréfutable. Les colons le comprirent et essayèrent de faire passer pour un lapsus ce qui était bien réellement l'expression de leurs sentiments. La Société Massiac avait prévu cet argument quand elle s'opposait à l'action parlementaire des députés coloniaux. Mais il était trop tard ; les colons étaient pris au piège de leur propre ambition.

Maury, d’ailleurs, fit de l'instruction une critique aussi vive que les députés de Saint-Domingue. Il plaida, comme toujours, en faveur du pouvoir royal, sacrifié dans les colonies comme en France. Mais il attaqua le principe mème des libertés que l'on concédait. Donner une constitution aux colonies, dit-il, quand aucune puissance de l'Europe ne l'a fait, est un acte dangereux; il est illogique de reconnaître que le pouvoir législatif peut avoir dans les colonies une existence différente de celle qu'il a dans la métropole ; c’est faire une confusion que de comprendre dans l'exécutif les pouvoirs administratifs ou judiciaires, les seuls qui puissent être organisés dans les colonies. « Pourquoi, d'ailleurs, ajoute-t-il, ne donne-t-on pas aux nègres libres le droit d'être représentés? Si l’on ne met pas les nègres au nombre des citoyens, il faut au moins les mettre au nombre des hommes! »

Cette question des droits politiques des noirs, soulevée ainsi inopinément, pouvait faire dévier