Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

206 L'ÉTAT DES PERSONNES

Constituants, au respect exagéré des intérêts en présence ? Ils en ont heurté de plus grands, avec moins d’embarras. Ont-ils redouté pour les colonies la guerre civile qu'ils affrontaient en France ? Mais la guerre civile est le résultat inévitable de toute réforme politique et sociale. Le réformateur doit l’atténuer et non la craindre.

La raison de celte extraordinaire timidité ne serait-elle pas dans ce fait que la question avait été mal et trop tôt posée? Elle avait été mal posée, parce que le principe seul de l'esclavage avait été examiné, et non la foule des problèmes accessoires qu'impliquait son maintien ou son abolition : l'indemnité aux propriétaires d'esclaves, dans un cas, la siluation civile et politique des noirs nés libres ou affranchis, dans l’autre. Elle l'avait été trop tôt, parce que la discussion avait aigri les esprits, excité les appétits, apeuré les intérêts, provoqué la formation de deux camps ennemis représentant l’un la pensée et l’autre la fortune de la France. Les Constituants reconnaissaient dans l’un des camps leurs frères et dans l’autre leurs débiteurs : comment eussent-ils choisi de sangfroid ?

Il faut connaître les offensives des deux partis pour comprendre les hésitations de l'Assemblée, et il faut exposer les contradictions de celle-ci pour répartir équitablement les responsabilités.

La Société des Amis des Noirs, la première fondée, avait pris à son compte le programme des anti-esclavagistes de France et d'Angleterre. Mais le manifeste lu par Brissot en février 1789 avait