Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

208 L'ÉTAT DES PERSONNES

à leurs vues le ministre La Luzerne, qui, dès le 19 août, écrivait à l’un d'eux !: « Je désirerais que les colons reconnussent eux-mêmes combien il est contre leurs intérêts de ramener au milieu d'eux, d'ici à quelque temps, ceux de leurs nègres qui les ont suivis en France. » Ils intimidèrent ensuite leurs compatriotes en leur signifiant que, si, malgré les ordres de la Société, ils ramenaient leurs esclaves à Saint-Domingue, « on les rendrait responsables de tous les événements qui pourraient résulter de la rentrée de ces esclaves dans les colonies? ». Ils vouèrent mème au mépris publie un colon de Saint-Domingue, qui voulait affranchir 150 de ses nègres’. Enfin ils obtinrent des armateurs la promesse de n’embarquer aucun noir pour les colonies, Ils firent prendre d’ailleurs la même précaution aux îles, ou du moins à SaintDomingue, et les colons interdirent le voyage en France des noirs affranchis ou des mulâtres5.

Nous avons montré plus haut l'influence de la Société sur le Comité colonial, dont elle fut réellement l'inspiratrice. Il eût dépendu d'elle de lui faire prendre une attitude conciliante dans la question des noirs libres ; car elle fut à même de

1. Lettre à De Court de La Tournelle, dans les Procès-verbaux de la Société ; — Arch. nation., sér. Dxxv, cart. 85.

2. Letlre du vicomte de Léaumont : Proc.-verb. du 20 août ; — Arch. nation., Dxxv, 85.

3: IL en fut empêché par le gouverneur Du Chilleau: Proc.verb. du 25 août (ibid.).

4. Prob.-verb. du 27 août (ibid.) ; adhésions du Havre, de Bordeaux, de Nantes, 9 et24 septembre, de Saint-Malo, 13 septembre.

5. Lettre du 12 août 1789, citée par Brissot dans son discours du 1°" décembre 1791 ; — Arch.parlem, XXXV, 473,