Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

18 ÉTAT DE LA QUESTION EN 1789

de commerce, soldats libérés ou réfractaires, domestiques, aventuriers, qui n'avaient pas d'attache dans le pays et qui étaient par nature fort turbulents. Arrivant avec des préjugés de race et de couleur, que n'atténuait pas, comme chez les planteurs, le contact journalier avec les esclaves, ils se montraient les implacables ennemis des noirs, surtout des mulâtres, dont ils convoitaient les biens, et ils se portaient souvent à des actes de violence, même contre les agents du pouvoir. Les mulâtres et sang-mêlés n'élaient pas moins inquiétants. Descendant directement ou indirectement des blancs et des femmes esclaves*, représentant l’une des immoralités que comporte lesclavage, possédant au dire de lun d’eux* le quart des esclaves et le tiers des propriétés, ayant reçu une demi-instruction et, par leurs fréquents séjours en France, une demi-teinte de la philosophie métropolitaine, ils avaient la prétention, d'ailleurs parfaitement juste, d’être les égaux de leurs pères et frères blancs, dont ils partageaient les charges

1. Cf. le discours du mulâtre Raimond, séance du 14 mai 1791 (Arch. parlem., XXVI, 65; Proc.-verb., n° 650, p. 5, t. LV):« Les petits blancs, raconte-t-il, ont tué le sénéchal du Petit-Goave, Ferrand de la Boutière, qui a rédigé une adresse des mulâtres demandant le droit électoral. » — V. aussi Hilliard d'Auberteuil, Histoire de Saint-Domingue (éditions 1776-1718-1782).

9. Moreau de Saint-Méry (la Parlie française de SaintDomingue) compte 120 combinaisons de couleur, donnant 13 nuances différentes : mulâtre (blanc avec noir), quarteron (blane avec mulâtre), griffe (mulâtre avec noir), etc. — Grégoire, dans son Mémoire en faveur des Gens de couleur (Paris, 1789, 41 p.), indique 7 nuances : mulàtre, grif, marabou, carteron, tierceron, métis, mamelouc.

3. Raimond, discours précité.