Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE {8 MAI 1790) 157

LXXXI. — À R. Lindet. Le S mai 1790.

[Il rend compte à son frère des nombreuses visites qu'il a reçues de M. Pottier de Morainville, qui désire figurer dans les élections : il voudra intriguer, spéculer, etc. Le roi aura la nomination des officiers chargés du ministère public, et il demande à son frère, s’il ne voudrait pas qu’il sollicitt pour lui la place de procureur du roi au siège du département ou du district, si elle peut lui convenir. Il ne pourrait répondre du succès, mais il a quelques fondements pour l’espérer.] :

Maintenant, nous pourrons bâtir le temple nouveau de la justice, avec un peu plus de tranquillité. Les principales bases sont posées : l'ennemi nous laissera tranquille; la main qui tient l'épée se reposera et celle qui tient la truelle agira plus librement. C’est une chose singulière que les ennemis de la Révolution affichent l’assiduité et l’acharnement tant qu’ils espèrent pouvoir faire du mal. Dès que les préliminaires leur paraissent décisifs, et qu’ils voient démontrée leur impuissance, ils fuient comme une volée d'oiseaux carnassiers qu'on force de quitter leur proie. Alors on travaille librement et dans le repos, jusqu’à ce qu'ils aient tendu quelque nouvelle embuscade. Les décrets relatifs à l’organisation de la municipalité de Paris avancent : comme ils ne sont pas tout à fait conformes au vœu de quelques districts, l'abbé Maury s'était permis quelques violentes déclamations, très incendiaires. Le district des Cordeliers, celui sans doute sur la résistance duquel l’homme aux huit cents meurtres comptait le plus, vient ue faire afficher une proclamation par laquelle il déclare ennemis de la patrie ceux qui feront des protestations contre les décrets de l'Assemblée nationale. M. l'abbé, qui se moque d’être mis à l’ordre sur le procès-verbal de l’Assemblée nationale, devrait s’inquiéter de se faire rappeler à l'ordre, dans les districts de Paris. C'est un grand scélérat que cet abbé protecteur du clergé, mais la nature l’a doué d'un courage qui tient de