Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

1472 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

trois forts entre les maïns de la garnison, a pris le parti de les démanteler du côté de la ville. Le ministère a jugé de l’occupation des forts de Marseille par l’ancien état des choses (1). L'Assemblée nationale a jugé de même que la garde des forts était confiée au pouvoir exécutif, et que l’usage de les garder par des garnisons de troupes de ligne devait être provisoirement observé, que l’occupation était une violation du droit subsistant, et qu'ils devaient être remis à ceux à qui la garde en était confiée. 11 n’y a pas encore d’article constitutionnel rédigé sur ce point important, et j'ignore quel parti prendra l’Assemblée. Mais la ville de Marseille semble adopter un principe qui pourrait bien être celui de bien des citoyens zélés pour la liberté, sauf à critiquer l'application prématurée qu’elle en a fait. Les citadelles et les forts sont pour la conservation ou la défense des villes ; les citoyens ne doivent point être menacés.par les batteries de ces forts ; elles ne doivent point être dirigées contre eux. Si la garnison leur est suspecte, ils prétendent avoir droit de la surveiller. Ils ont intérêt à la conservation de ces forts comme à la conservation de leur ville; ils ne peuvent être tranquilles qu’autant que la garnison est combinée de telle manière, et subordonnée à des ordres tels, qu’il y aît certitude qu’on ne peut jamais abuser de cette force contre la ville. On leur opposera que les citadelles appartiennent à la nation, qu'elles sont confiées au roi comme l'armée de ligne, comme les vaisseaux et toutes les machines de guerre, ils seront jugés avant que le principe soit consacré; ou s’il faut discuter cette question, voilà encore l'affaire du clergé et l’ordre judiciaire rejetés fort loin. On a ordonné la suppression des démolitions ; aujourd’hui on entendra les députés extraordinaires de Marseille. Il est arrivé des nouvelles de Picardie assez

(1) Séance du 29 mai. Moniteur, réimpression, IV, 490. Les députés de Marseille furent entendus et, sur la proposition de Mirabeau l’ainé, admis aux honneurs de la séance.