Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (13 SEPTEMBRE 1700): DIX

il faut payer la dette publique, il faut se libérer de l'intérêt du capital de cette dette, qui occasionnerait une surcharge d'impôt : donc il faut consentir à l'émission d'un papier destiné à l’acquisition des biens nationaux ; donc, ce papier, sous quelque dénomination qu'il paraisse, ne doit pas porter intérêt. L'intérêt accordé aux 400 millions d’assignats était nécessaire pour le temps où l'opinion publique n’était pas formée, où les défiances pouvaient ruiner l'opération. Une masse énorme de 2 milliards de numéraire fictif qui inonderait le commerce produirait une révolution incalculable dans le prix des denrées : le numéraire fictif correspondrait, à la vérité, à une masse proportionnelle d'objets mis extraordinairement en vente, et devrait disparaître après que cettevente serait effectuée : mais, dans l'intervalle, il procurera un renchérissement qu’il me semble qu'on préviendrait par l'émission d’un papier non forcé, destiné à l'acquisition des biens nationaux, qu’on négocierait comme des contrats dans les cas où le porteur ne voudrait pas acquérir. Les créanciers de l’État craindront de perdre en négociant de pareils effets; ils ont la liberté d'acquérir, et il est probable que la multitude des acquéreurs rendra ces transactions faciles et peu dispendieuses. D'ailleurs, que peut-on exiger de plus d’un débiteur qui fait cession de ses biens?

Cette grande question nous occupera encore quelque temps. Le projet d'admettre de petits assignats me paraît infiniment dangereux; je doute qu’il soit adopté. L'ouvrier dans Paris se livrerait à la fureur, si on le payait en une monnaie dont il ne trouvât pas l’échange sans diminution, et au premier besoin.

La cruelle affaire de Nancy a occasionné des murmures inquiétants dans Paris. M. de La Fayette a été principalement en butte à des motions très violentes. Il regagne sa popularité ; les bataillons de toutes les sections vont successivement renouveler en ses mains l'hommage de leur