Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

218 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

dévouement. Les plus fortes haines s’apaisent. Bientôt les ministres, Bouillé, La Fayette auront eu raison; bien des gens penseront que la municipalité d'Arcis-sur-Aube agissait conséquemment aux principes de la responsabilité, en retenant un ministre qui n’a pas rendu son compte. L'Assemblée nationale n'a pu traiter en fugitif qui le prévenait de son départ. D'ailleurs, on a des obligations à ce ministre, et il est impossible de l’accuser de friponnerie, quand même on pourrait croire que ses mains étaient trop faibles pour entretenir le jeu d’une machine dont tous les rouages se brisaient ou s'écartaient. Cependant cette liberté est d’un dangereux exemple. M. Dufresne sera chargé du trésor royal. Le bon contrôleur général Lambert est une espèce de curé primitif dans la finance.

Il est bien difficile de prévoir les effets des armements formidables de l'Angleterre. N’aurons-nous pas trop rehaussé le courage de l'Espagne? N’aurons-nous pas irrité la cupidité des Anglais qui espéraient, avec assez. de fondement, nous dépouiller de nos colonies? Dans nos colonies, quel est l'élément dominant? L’Angleterre n’a-t-elle en vue que d'empêcher la coalition de la Russie, de l'Espagne, et de l’Autriche, de sauver la Suède et la Turquie? Quels dédommagements se propose-t-elle pour son commerce? Que signifient toutes ces renonciations de la Prusse, de l'Autriche, de la Pologne aux acquisitions, aux échanges, à tous les vastes projets? sont-ils remplacés par d’autres? Et les nouveaux projets, seront-ils encore de beaux rêves dont on a peine à se souvenir au réveil?

Nous procurerons ce réveil à tous nos voisins, si nous sommes assez heureux pour que les Français persévèrent à montrer ce courage froid et réfléchi, cette patience infatigable si éloignée de leur ancien caractère, mais dont la Révolution semble les avoir rendus susceptibles.

Les Français ne sont entretenus dans ces sentiments