Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

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parlé supérieurement sur cette matière, elle est apaisée, mais on craintencore le moment de la décision. Le nombre des partisans des assignats s’est fort accru, mais on a tellement redouté de succomber que les plus ardents défenseurs ont pris des conclusions mitigées. On n'osera mettre en délibération la proposition pure et simple. Il est très probable qu’on fera un mélange d’assignats et de quittances de finances, ce qui produira une opération très compliquée et très irrégulière; fort heureux si on peut faire passer l'émission, au moins successive, de la totalité des assignats nécessaires au remboursement de la dette exigible, et si on n’est pas forcé de retrancher de gros articles de la dette exigible.

Après cette question, on doit en traiter une qui est le dernier effort de l'aristocratie, La procédure du Châtelet est un assemblage monstrueux des dispositions les plus absurdes. Les témoins ont vu ce qu'ils ont voulu voir, ont entendu ce qu’ils ont voulu entendre; leur intention est bien marquée, mais ils ont oublié qu'un roman doit avoir au moins la vraisemblance. Il y a des dépositions si ridiculement fausses qu’on ne peut s’empêcher de hausser les épaules en lisant les prouesses de M. de Mirabeau, le sabre nu sous le bras, de M'° Theroigne, parcourant les rangs du régiment de Flandre, une corbeille à la main et distribuant ses pistaches. La femme Andelle(r)ravie a l'air d’une somnambuliste magnétisée par M. de Clermont cidevant tonsuré: le curé qui dit son bréviaire dans un cabinet obscur est un visionnaire.

L'espèce des timorés et le style de leurs dépositions prouvent que le but de cette redoutable information était de faire demeurer constant, par un acte juridique, que la sanction ou l’acceptation des décrets constitutionnels et des droits de l'homme avait été arrachée par un mouve-

(1) « Mlle Anne-Marguerite Andelle, ouvrière en linge. » Moniteur, réimpression, t. VI, p. 7.