Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

228 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

champion manqua de se faire une affaire en insultant le président; on voulut bien ne pas faire attention pour ne pas faire naître un nouvel incident dans une délibération déjà trop encombrée. M. Maury, répondant à l'objection faite aux contradicteurs des assignats : Que voulezvous mettre à la place des assignats? disait : Que voulezvous que je mette à la place de cette bête féroce qui nous dévore? » La bête féroce qui va dévorer les huit centsfrères est admise, puisqu'il n’a point voulu en introduire une plus douce. Cependant M. d'Éprémesnil s’est présenté le premier pour lire un projet de décret (1). Il a fait faire amende honorable à l’Assemblée nationale, déclarer non avenus les décrets concernant les droits féodaux, le clergé, les ordres religieux, la noblesse, la justice. Il paie la dette de l'Etat avec les 400 millions offerts par le clergé, la contribution des communautés religieuses qui composeront avec le roi, le supplément de cautionnement des gens de finances. L'Assemblée nationale doit-elle encore porter son décret au pied du trône, offrir ses respects à la reine et à la famille royale, prier les princes fugitifs de revenir, et inviter les seigneurs à les imiter, ordonner un Te Deum par tout le royaume pour célébrer la réunion des esprits? Cette motion a excité des ris et des mouvements d’indignation ; on l’a écoutée cependant jusqu’au bout. M. Charles de Lameth a fait celle d’envoyer M. d’Éprémesnil pour quinze jours à Charenton, et M. Alexandre de Lameth a fait celle de passer à l’ordre du jour, en déclarant que l’Assemblée n'avait jugé digne que de mépris un projet enfanté par une imagination en délire. Cette motion a été décrétée, malgré l’opposition de ceux qui la croyaient sage(2). M.de Mirabeau ena tiré grand partien faisant voir les obligations que l'Assemblée

(1) Séance du 29 septembre. Moniteur, réimpression, V, 779. Ce projet de décret est reproduit ën extenso dans le Moniteur.

(2) Cela veut dire sans doute : malgré l'opposition de ceux qui croyaient sage la motion contraire.