Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

70 MISSION DE TALLEYRAND

Vous êtes sûrement très fâché de l'événement cruel arrivé à M. de Biron‘. Sous tous les rapports c’est un malheur. Il n’y a pas eu moyen de faire valoir sa commission pour le sauver. Milord Grenville a voulu

1 « Londres, T fév. — M. de Biron a été arrêté hier, sur la plainte d’un marchand de chevaux appelé Foyard, pour une dette de 414]. st.; il a été conduit à une de ces maisons d'arrêt qu’on nomme spanging houses, et il y est encore, quoiqu’on ait fortement sollicité son élargissement devant milord Kenyon, président du banc du Roi. M. de Biron allèque que le billet est faux. M. Erskine, son défenseur, l'un des plus habiles et des plus éloquents orateurs du barreau anglais, a fondé sa défense sur un autre moyen. Il a prétendu que M. de Biron ayant été envoyé en Angleterre pour une mission particulière par le ministère de France, il devait jouir de tous les privilèges que la loi assure aux étrangers revêtus d’un caractère public. Milord Kenyon a demandé la vérification du faux titre de créance, et l’exhibition des lettres de change qui constituent M. de Biron chargé d'une négociation en Angleterre par le Roi des Français et la nation française. » (Journal de Paris, 13 février.)

M. Delessart écrira le 15 février, au chargé d’affaires de France à Londres, à ce sujet :

« Nous venons d'être mformés, Monsieur, que M. de Biron a été arrêté à Londres pour dettes, qu'il a été conduit en prison, et qu'il a invoqué inutilement l'intervention de la justice. Ignorant la nature des dettes pour lesquelles M. de Biron a été poursuivi, nous ne saurions juger si son arrestation est illégale et une violation du droit des gens, ou si elle est fondée. Quoi qu’il en soit, Monsieur, dès qu'il est sous la main de Ja justice, nous sentons que l'intervention du ministère anglais est madmissible; que nous la provoquerions en vain et que les tribunaux seuls peuvent prononcer sur le sort de M. de Biron. Cependant, l'intention du Roï est que vous fassiez en sa faveur, sans compromettre le nom de Sa Majesté, toutes les démarches qui pourront dépendre de vous, soit pour obtenir sa liberté, soit pour alléger sa situation, et nous serons infiniment sensibles à tout ce que le ministère anglais voudra bien faire pour vous seconder. Je recommande particulièrement cette affaire à votre zèle et à votre prudence. Vous voudrez bien vous concerter avec M. l’évêque d'Autun sur tout ce qu'il y aura à faire pour M. de Biron. Ses lumières et sa sagesse sont le meilleur guide que vous puissiez avoir. »