Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

A LONDRES. 75

Lorsque d’après le vœu de l’Assemblée nationale, le Roi menaça l’Électeur de Trèves d’une invasion sil ne cessait pas d'autoriser les rassemblements et les armements dans ses États, cette démarche donna à tous ceux qui désirent la guerre et une contre-révolution l'espoir de réaliser leurs projets, et ils employèrent tous leurs moyens pour engager le Roi de Prusse à se déclarer en leur faveur.

Ces menaces faites à l’Électeur de Trèves aigrirent au dernier point le Roi de Prusse, comme ennemi des principes de la révolution et comme membre du Corps germanique. Dès ce moment, les émigrants qu’il avait assez froidement traités furent en grande faveur, et reçurent de l'argent, des caresses et des espérances. Une seule inquiétude leur restait : Frédéric-Guillaume aimait leur cause ; mais la crainte de vider son trésor et de quitter le repos l’'empêchait de se décider à la guerre.

Sur ces entrefaites, le Roi m’ordonna de me rendre ici. Dès que je fus nommé, ma très faible réputation fit peur à tous les ennemis de la paix, et ils résolurent de mettre en œuvre toutes sortes de moyens pour me fermer toutes les voies, pour embarrasser tous mes pas et pour m'empêcher de réussir. Ils connaissaient la crédulité du Roi de Prusse, et il leur fut facile d’en profiter. D’ailleurs, ils savaient qu'un cabinet qui a soulevé la Pologne par ses intrigues après l'avoir autrefois partagée ; qui a excité des troubles en Hongrie, il y a deux ans; qui a semé l'insurrection dans le Brabant,