Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

76 MISSION DE TALLEYRAND

favorisé la révolution de Liège et qui est habitué à se servir de tous moyens en politique, croit facilement qu’on peut employer les mêmes armes contre lui.

En conséquence, il tomba d’abord une pluie de lettres, ou signées ou anonymes, de tous les mécontents de divers lieux, qui me désignèrent comme un démagogue enragé, comme un politique perfide, comme un ennemi de la royauté, comme un émissaire des Jacobins. On avertit le ministère prussien que je venais avec un crédit de plusieurs millions; que j'amenais plusieurs Jacobins déguisés en domestiques ; que plusieurs négociants français et allemands travailleraient ici à me faire un parti et à séduire les troupes, et qu'on m'enverrait de Paris plusieurs intrigants habiles pour me seconder.

On écrivit que M. de Maisonneuve, qui avait été ici aimé et estimé, reçu dans la société intime du Roi, avait été l'émissaire de l'Assemblée constituante, que pour l’en récompenser, on l'avait fait ministre et maréchal de camp. Et moi qui ne lamenais que pour être plus agréablement reçu par une société qui laimait et pour avoir des liaisons dans un pays où je ne connaissais personne, je passai pour l'avoir pris avec moi comme un agent utile pour corrompre les personnes les plus influentes.

On rappela en même temps au Roi de Prusse de prétendus bons mots contre lui qu'on supposait que Je m'étais permis en Russie, et son amour-propre très combustible ne me le pardonnera jamais.