Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

A LONDRES, 85

Paris’, c’est bien malsain pour toute espèce de négociations dans le pays étranger. On a bien besoin de

1 « Comment sommes-nous? Jamais nous ne fümes dans un état de crise plus alarmant que celui où nous nous trouvons; des intrigues de toute espèce nous circonviennent et nous assiègent, et nos ennemis croient déjà nous vaincre, parce qu'ils ont réussi à nous diviser.

« La coalition plus dangereuse que les rebelles d'outre-Rhin s'agite encore, et.elle est l'âme secrète de tous les projets. Elle voulait autrefois la république fédérative, aujourd'hui elle veut les deux chambres et la noblesse. Les imprudents coalisés ne voient pas que leur liaison avec le Pouvoir exéculif, qu'ils ont déjà trahi, ne peut durer qu'autant qu'ils lui seront encore utiles, et que s'ils font jamais réussir tous ses desseins, ils seront, ilest vrai, ses dernières victimes, mais ils seront sacrifiés.

« Le Pouvoir exécutif, contraint d'exécuter ce qu'il hait et ce qu'il voudrait changer, exécute mal, ce qui est mille fois pis que de n’exécuter point. Le vaisseau de l'État, comme celui de Thésée, périt d’un côté, pendant qu'on le raccommode de l'autre. Les agents du Pouvoir exécutif voyant que la peau du lion ne peut suffire, y cousent un lopin de la peau du renard. La ruse succède à la force, une guerre cachée et des moyens lortueux à une marche franche et courageuse, Quelques-uns, entièrement imbus d'idées pleinement aristocratiques, désirent l’anéantissement des lois confiées à leur surveillance; d'autres, avec de la probité, des lumières et des intentions droites, cèdent à des insinualions perfides, et servent d'autant mieux les projets de la coalition, que leur réputation justement acquise, leur popularité méritée et obtenue par des moyens honorables, donnent à leur opinion et à leur conduite une influence plus oppressive, une autorité plus respectable... La Cour, moins hostile que ses conseillers, laisse entrevoir sa haine ou du moins son insouciance. Dans un moment où la rareté extrême du numéraire, le discrédit des assignats, la hausse excessive des denrées qui en est la suite, une inquiétude dont personne ne peut se défendre, des agitateurs gagés et des moyens factices portent le peuple à des mouvements tumultueux toujours à craindre, le bruit d’une nouvelle évasion du Roi se répand, avec quelque apparence de probabilité, et le Roi ne prend pas la peine de rassurer les citoyens. » (Chronique de Paris, jeudi 9 février 1792.)

Ce journal était rédigé par Noël, qui depuis fut envoyé en mission en Angleterre.