Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

420 LETTRES DE TALLEYRAND

Beaumetz qui sont arrivés chez moi après avoir été un mois entier foujours au moment d’être massacrés et qui aiment encore la liberté, même pour la France, et détestent l'invasion des étrangers sur notre territoire. Pour moi, Milord, ce que je désire, c’est que nous ne soyons pas absolument impuissants à la liberté. Comprimés depuis deux ans, entre la terreur et les défiances, les Français ont pris l'habitude des esclaves, qui est de ne dire que ce qu’on peut dire sans danger. Les clubs et les piques tuent l'énergie, habituent à la dissimulation, à la bassesse, et si on laisse contracter au peuple cette infâme habitude, il ne verra plus d'autre bonheur que de changer de tyran. Depuis les chefs des jacobins qui se plient devant les coupe-têtes jusques aux plus honnêtes citoyens, il n'y à aujourd'hui qu'une chaîne de bassesses et de mensonges dont le premier anneau se perd dans la boue. Je ne m'aperçois pas, Milord, que je vous écris une lettre bien longue, bien découragée, bien ennuyeuse pour un homme quia et tout vu et tout jugé; je ne pense qu'à une chose, c’est

que je suis avec vous, et selon mon usage, j'y reste longtemps.

J'ai l'honneur de vous renouveler, Milord, l’assurance du respectueux attachement avee lequel je suis Votre très humble et très obéissant serviteur.